mercredi 13 août 2014

BÉATRICE RACONTE


 J’ai de doux souvenirs de ma tendre enfance et c’est un plaisir pour moi de vous en transmettre quelques-uns.

C’est le Jour de l’An. C’est la fête. Une sortie en grand traîneau pour aller chez grand-papa Bourdeau à Forget. Des fers à repasser et des briques que maman a fait chauffés ont été déposés ici et là dans le traîneau pour nous tenir au chaud. On nous installe confortablement et nous recouvre de couvertures de poils de fourrure. Parfois les gars descendent du traîneau et courent tout à côté. Les filles se laissent bercer par le tintement des clochettes accrochées au harnais des chevaux et parfois nous chantons. Il y a si longtemps de cela que je ne me rappelle plus si on chantait juste ou faux. C’était bien trois milles de Saint-Onge à Forget.  C’était féérique. Arrivés dans la maison de grand-papa, ma marraine Elméria, épouse d’Alexis Bourdeau, m’offre un bas de Noël qui contenait une orange, une pomme, trois ou quatre raisins et quelques bonbons. Comme j’étais contente! Des oranges il n’y en avait qu’aux fêtes sur le marché. 
Nous ne connaissions pas le Père Noël. Pour nous Noël, c’était la naissance du petit Jésus.
 Et il ne faut pas oublier la bénédiction de papa. Maman rassemble tous les enfants.
 Elle nous demande de nous mettre à genoux et va chercher papa.  «Que la bénédiction du Tout-Puissant descende sur vous et y demeure à jamais. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.» Ayant étendu la main au-dessus de nos têtes et tracé le signe de la croix, il venait de transmettre la bénédiction de son Dieu à ses enfants, telle qu’il l’avait reçue de ses ancêtres.

Un autre beau Noël fut celui où je suis allée à la messe de minuit avec maman alors que nous habitions à Cochrane dans le nord de l’Ontario. L’église était bien au-delà d’un mille de la maison. Il faisait moins 300 F . Nous nous tenions tout proches l’une de l’autre et je l’avais cette fois pour moi toute seule. J’étais très heureuse. Pour une raison qui m’échappe aujourd’hui, je ne me souviens pas où étaient les autres.

Voici un troisième beau Noël. J’étais une fillette pour ne pas dire un bambin. Quand le clan Bourdeau déménagea sur une terre à Embrun dans la maison en belles pierres grises, Jacqueline, épouse de Jean-Louis nous avait fait de petits animaux en chiffon pour Noël. Ce furent les seuls cadeaux que nous avons eus cette année là. 
J’ai reçu un cheval.  Pour moi, il était le plus beau.

Il y avait une cabane à sucre et le printemps venu, les gars faisaient bouillir l,eau d'érable pour faire du sirop la nuit. Pour se distraire et pour se tenir réveillés, ils se jouaient des tours. Une nuit,  je ne me souviens plus qui, Paul-Émile, peut-être, a mis des pétards dans des cigarettes que les gars faisaient eux-mêmes. Le matin lorsqu’ils rentraient à la maison et nous racontaient leurs anecdotes les plus savoureuses, nous riions de grand cœur.

Il y avait un grand champ de lin en avant de la maison. Maman nous disait si vous voulez aller arracher la moutarde, j’aurai une belle surprise pour vous. Ce que nous avons fait.  Lorsque nous sommes rentrés, elle donna vingt-cinq sous à l’un de nous pour aller chercher du baloné chez le boucher et elle nous prépara un panier de provisions que nous avons apporté dans le bois où il y avait la cabane à sucre et la carrière. Nous pique-niquions et après on jouait à la cachette. C’était un très beau dimanche pour nous.

À d’autres occasions le dimanche, maman faisait de la crème glacée. Elle utilisait la crème prise sur le lait et un sceau avec des lames dedans. Je me souviens qu’il fallait brasser. Oh que c’était bon! Nous étions tous excités et ravis.

Il y avait un grand verger sur la ferme. À l’automne, nous montions dans les arbres, cueillions les pommes et on les déposaient  dans un grand panier.  
L’hiver, nous n’utilisions pas le troisième étage de la maison car c’était trop difficile à chauffer. Donc nous étalions du papier journal sur le plancher d’une grande chambre et déposions les pommes. Il ne fallait pas qu’elles se touchent. Nous avions des pommes jusqu’à Noël!
  
Nous avons aussi demeuré à l’ombre de l’église à Embrun. Un de ces mardis où maman boulangeait, en revenant de l’école oh que ça sentait bon, mium, mium. Maman a brisé en plusieurs morceaux un pain encore chaud de sa fournée, y  a déposé du beurre et le distribua. Quel délice! Son bonheur était si beau à voir que je m’en souviens comme si c’était hier. Elle aimait bien nous faire plaisir. 

Parlant de notre demeure à l’arrière de l’église, Marie et moi désirions un nouveau manteau pour Pâques. Ce n’était pas un caprice, le nôtre était trop petit. Nous étions de grandes filles, quoi neuf, dix ans.  Maman nous fit une proposition. Si vous voulez aller faire du ménage chez Maria Beaudin, une bonne couturière, en retour, elle viendra m’aider et nous vous mettrons belles pour Pâques. Ce que nous fîmes.
Le matin de Pâques nous avions chacune un beau manteau avec un bonnet hollandais et une petite poche avec rubans qui nous servait de sac à main. Nous avions bien hâte de nous rendre à l’église pour se faire voir... bien humblement!

Un beau dimanche, Otto, qui était concierge à l'école secondaire, demanda aux Clercs Saint-Viateur, enseignants au secondaire, de bien vouloir lui prêter leur chaloupe pour nous amener faire un tour sur la rivière. Ce qui se fit. Pour nous c’était la fête. Cependant après environ une heure, il décida de remettre la chaloupe à sa place et de reprendre son travail. Après son départ, nous, les enfants, avons décidé de retourner nous promener en chaloupe. Nous étions au moins quatre qui ne savaient ni nager, ni ramer. Je me souviens que nous étions au milieu de la rivière et que nous ne savions pas comment rejoindre la rive. Maman a dut s’inquiéter du non retour de ses poussins et entreprit des recherches. Lorsque nous sommes arrivés à la maison, je n’ai pas besoin de vous dire que nous n’avons pas été accueillis à bras ouverts. Quelle inquiétude pour maman! Nous ne connaissions pas le danger.

Je ne peux terminer sans mentionner les belles réunions de famille au cours des années, que ce soit chez les parents, puis chez Berthe et Fernand d'abord, ensuite chez les frères et soeurs.  Nous avons ensuite eu de grandes fêtes familiales à Wendover et à Plantagenet. Nous avons dansé, chanté, pris un p’tit coup et nous nous sommes couchés très tard.    Ah la jeunesse, que c’est beau!

 Et ça, c’est pour la famille de Médard et de Julia mais il ne faut pas oublier les enfants qui continuent la tradition.
Quelle belle réunion chez Claire à Berthe, puis chez Linda à Thérèse  et maintenant chez Roger à Paul-Émile. 
Qui sera le prochain? J’ai déjà hâte car je serai là, promis.

Béatrice
Juillet 2014



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